Les grands enjeux de la filière photovoltaïque, Franck Barruel
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[Interview] Les grands enjeux de la filière photovoltaïque : un laboratoire français d’essai engagé dans le développement d’une filière photovoltaïque circulaire – Franck Barruel

Dans cette série d’interviews “Les grands enjeux de la filière photovoltaïque“, des acteurs majeurs de la filière sont mis à l’honneur. Ceux-ci participent à rendre le cycle de vie des panneaux solaires photovoltaïques le plus vertueux possible.

Directeur général de Certisolis, Franck Barruel nous éclaire sur le développement d’une filière photovoltaïque circulaire.

Pouvez-vous présenter Certisolis ainsi que votre rôle au sein de ce laboratoire ?

 

Franck Barruel : Certisolis, créé en 2009, est une filiale du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) et du LNE (Laboratoire National d’Essai et de Métrologie), deux instituts publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Ces deux instituts ont fondé Certisolis (SAS) pour se concentrer exclusivement sur les tests et la qualification des panneaux solaires. Bien que Certisolis soit une entreprise privée, elle remplit une mission d’intérêt général en se consacrant à l’évaluation et à la certification des panneaux solaires

Aujourd’hui Certisolis à trois principales activitées qui sont : 

  • Tests et essais de panneaux solaires : Certisolis effectue des tests sur les panneaux solaires dans son laboratoire et sur site, vérifiant leur conformité aux normes climatiques, électriques et mécaniques. Ces tests sont réalisés pour les fabricants, les développeurs de centrales photovoltaïques, les assurances et les bureaux d’études, et certifient la qualité des produits.
  • Marque AQPV : Certisolis porte la marque AQPV, un signe de qualité créé par le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER). Cette certification est attribuée aux entreprises de construction de centrales photovoltaïques après un audit de conformité aux critères de qualité définis.
  • Certification environnementale et certificats carbone : Depuis 2013, Certisolis délivre des certificats carbone pour mesurer l’empreinte carbone des panneaux solaires selon une méthode définie par l’État français et l’ADEME. Ce calcul du CO₂ par watt est désormais un critère obligatoire dans certains appels d’offres, et un panneau ne peut pas être éligible si son seuil de carbone est trop élevé.

Certisolis réalise des certifications de conformité des panneaux photovoltaïques nommées “Evaluations Carbone simplifiées”. En quoi consistent-elles ? Quel est le processus de certification ?

 

F.B : Les “Évaluations Carbone simplifiées” réalisées par Certisolis permettent de mesurer l’empreinte carbone des panneaux photovoltaïques afin de garantir leur conformité aux exigences environnementales des appels d’offres français.

Depuis 2013, Certisolis délivre des certifications environnementales basées sur des certificats carbone, une initiative portée par l’État français (notamment l’ADEME) en collaboration avec le CEA et Certisolis. L’objectif était de définir une règle de calcul standardisée permettant de mesurer l’empreinte carbone d’un panneau, exprimée en kg de CO₂ par watt crête.

Aujourd’hui, ce critère carbone est devenu obligatoire pour répondre à certains appels d’offres en France  et sur les centrales de plus de 100 kWc. Un panneau dépassant un certain seuil d’émissions de CO₂ ne peut pas être éligible à ces marchés.

Le processus de certification :

  • Collecte des données auprès des fabricants : Certisolis analyse les documents techniques et les processus de fabrication des panneaux.
  • Application de la règle de calcul carbone définie par l’État.
  • Vérification de conformité avec les seuils imposés dans les appels d’offres.
  • Délivrance d’un certificat garantissant que le panneau respecte les exigences en matière d’empreinte carbone.


La France est le seul pays à avoir imposé cette certification carbone dans ses appels d’offres, et Certisolis est actuellement le seul organisme au monde à délivrer ces certifications (plus de 3600 certificats depuis 2013) basées sur cette méthodologie. Grâce à cette expertise, Certisolis joue un rôle clé dans la transition énergétique en assurant que les panneaux solaires installés en France respectent des standards environnementaux stricts.

Certisolis intervient aussi sur des panneaux défectueux. Pouvez-vous nous présenter les défauts les plus répandus, et Comment offrez-vous une seconde vie à ces panneaux ?

 

F.B : Certisolis intervient régulièrement sur des panneaux photovoltaïques défectueux pour en analyser les causes et identifier les défauts les plus répandus. Parmi ces défauts, on retrouve principalement :

  • Casse due à des épisodes climatiques extrêmes, notamment la grêle, le vent qui peuvent provoquer des défauts invisibles (ex : cracks de cellules).
  • Problèmes de fabrication, liés à un manque de maturité industrielle de certains fabricants.
  • Délamination, où certaines couches du panneau commencent à se décoller avec le temps.
  • Défauts historiques sur les boîtes de jonction et diodes, qui peuvent altérer la performance du panneau.
  • Erreurs d’installation, pouvant impacter la durabilité et le bon fonctionnement des panneaux.

Concernant la seconde vie des panneaux, le marché est encore émergent. Actuellement, la filière française et européenne travaille à définir des critères de test fiables pour réemployer ces panneaux. Cependant, ces tests ne sont pas encore normés au niveau européen, ce qui signifie qu’aucun standard définitif n’a encore été adopté.

Bien que Certisolis ne soit pas un acteur direct du réemploi, nous possédons les équipements et l’expertise nécessaires pour tester ces panneaux et établir des protocoles adaptés à leur remise en circulation. Aujourd’hui, nous intervenons principalement pour constater et analyser l’état des panneaux défectueux, notamment après des événements climatiques ou des signalements de défauts, mais ces analyses pourraient, à terme, contribuer à structurer une véritable filière de seconde vie.

Pouvez-vous nous présenter le label de qualité AQPV (Alliance Qualité Photovoltaïque)

 

F.B : AQPV est un signe de qualité reconnue qui a été créé par le SER (le Syndicat des Énergies Renouvelables) pour les contractants généraux des centrales photovoltaïques sur demande. AQPV n’est plus un label depuis 2017 mais une marque, qui promeut la qualité et le savoir-faire des entreprises du secteur photovoltaïque en France. Elle atteste de la compétence des entreprises dans la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance d’installations photovoltaïques de toutes puissances.

Ce référentiel public va soumettre un prétendant à répondre à des exigences très claires sur comment il conçoit sa centrale, comment il gère ses sous-traitants (car c’est à l’origine un label qui a été prévu pour que l’installation puisse être complètement sous-traitée) et quelle est sa politique de maintenance.

Concrètement, Certisolis envoie une fois par an une équipe d’auditeurs chez le prétendant pour s’assurer que celui-ci respecte toujours les exigences relatives au cahier des charges de la marque AQPV. 

L’audit se fait en deux phases : 

  • Un audit de la maison mère ; qui est un audit administratif pendant 1 jour et demi. Sont étudiés : la partie documentaire, le contrôle qualité, le manuel qualité d’entreprise etc. 
  • Un audit sur la centrale (une demie journée) : vérification que tous les engagements sont bien pris. 

Certisolis va travailler avec les fabricants et bureaux d’études pour évaluer la conformité des panneaux photovoltaïques aux 4 critères d’éco-modulation Soren. Comment cela va-t-il se passer ?

 

F.B : Certisolis va travailler avec les fabricants et bureaux d’études pour évaluer la conformité des panneaux photovoltaïques aux critères d’éco-modulation en mettant en place un processus structuré et sécurisé. L’éco-modulation a été initiée il y a plus d’un an et demi par Soren, en collaboration avec un groupe de travail comprenant Certisolis, le CEA et les adhérents volontaires de Soren, afin de définir les critères applicables. Après avoir identifié plusieurs critères potentiels, le Conseil d’Administration de Soren a retenu 4 critères prioritaires :

  • Le critère “seuil bilan carbone” selon la méthode actuelle en vigueur 
  • Le critère « Seuil quantité d’argent »
  • Le critère « Taux de contenu recyclé »
  • Le critère « Teneur du plomb dans le module »

Une fois ces critères établis, il était essentiel de garantir un contrôle rigoureux pour éviter tout risque d’effet d’aubaine. Certisolis a ainsi été mandaté comme organisme de contrôle qualité, chargé de mettre en place des procédures de vérification et des règles de calcul précises à destination des fabricants.

À ce jour, Certisolis a finalisé les documents de contrôle qui seront exigés des fabricants, détaillant les preuves à fournir pour chaque critère. L’ensemble des critères retenus et le travail de contrôle associé ont été présentés aux acteurs de la filière au travers de deux webinaires co-animés par Soren et Certisolis en novembre 2024. Un projet complémentaire est en cours de finalisation avec Soren pour optimiser le parcours des fabricants et de ses adhérents. Il s’agit d’une plateforme en ligne facilitant d’une part le dépôt des demandes d’attestations d’évaluation aux critères d’éco-modulations, et permettant d’autre part de vérifier qu’une référence de panneau photovoltaïque donnée satisfait ou non à un ou plusieurs critères d’éco-modulation.

Le réemploi et la réutilisation des panneaux photovoltaïques se développent. Comment voyez-vous ce mouvement, quelles actions mettez-vous en place et quels sont les principaux points de vigilance ? 

 

F.B : Le réemploi et la réutilisation des panneaux photovoltaïques sont des sujets importants, mais plusieurs défis restent à relever pour en assurer la viabilité.

Chez Certisolis, nous analysons les étapes nécessaires pour structurer une filière de réemploi efficace. Un élément clé est la mise en place de procédures de test et de contrôle technique, comparables à ce qui existe dans d’autres industries, afin de garantir la qualité et la performance des panneaux en seconde vie. Ces protocoles n’existent pas encore, mais ils sont en cours de développement.

Cependant, un enjeu majeur concerne la viabilité économique de ce processus. Aujourd’hui, les prix des panneaux photovoltaïques ont considérablement baissé, passant de 150-200 € il y a cinq ans à environ 50 € actuellement. Dans ce contexte, il est complexe de trouver un modèle économique où un contrôle technique reste abordable tout en garantissant la fiabilité des panneaux réemployés. Il faut donc que l’écosystème industriel puisse soutenir cette démarche pour éviter que l’achat de panneaux neufs ne soit systématiquement privilégié.

Par ailleurs, les évolutions technologiques des panneaux photovoltaïques posent une autre question : les modules destinés à la seconde vie sont souvent moins performants que les modèles actuels. Il est donc essentiel d’identifier des marchés adaptés où ces panneaux peuvent être réinjectés de manière pertinente.

Si le recyclage des matières premières est aujourd’hui bien structuré, le réemploi nécessite encore un travail approfondi pour devenir une alternative viable. Nous poursuivons nos réflexions et actions pour lever ces freins et accompagner le développement d’une filière économiquement et techniquement durable.

Selon vous, quels sont les grands enjeux de la filière photovoltaïque pour 2025 ?

 

F.B : Les grands enjeux existent depuis 10 ans mais le plus grand est de maintenir une industrie photovoltaïque, une industrie de fabricants de produits, de cellules, de panneaux solaires en créant de nouveaux acteurs ou en maintenant l’existant.  Le second, est de s’assurer que les produits qui transitent sur le territoire français soient des produits de qualité, même s’ils viennent d’autres pays. Le troisième est de garantir une qualité environnementale, notamment grâce au bilan carbone qui existe depuis 2013 qui a permis d’améliorer les process à l’etranger grâce aux contraintes françaises. 

Selon vous, est-ce que les panneaux solaires vont avoir une durabilité plus importante dans quelques années grâce à votre travail ? On parle actuellement de 25-30 ans.  

 

F.B : Non, selon moi les panneaux solaires ne vont pas avoir une durabilité plus importante dans les années à venir, car ce que Certisolis applique c’est une norme de tests qui est appliquée dans le monde entier (tous les laboratoires accrédités appliquent la norme 61 215 et 61 730). Cette norme n’est pas une garantie de performance sur 25 ans, mais une garantie de dire que le panneau a été testé et qu’il ne présente pas de risques de casse rapide. 

Le deuxième facteur à prendre en compte est qu’il est quasiment impossible de prévoir à l’avance quel sera le paysage climatique dans 5 ou 15 ans et donc à quel environnement seront exposés les panneaux solaires.

Parler-nous du rôle primordial des matériaux stratégiques ? 

F.B : Aujourd’hui, l’argent est le premier matériau qui est analysé pour essayer de réduire sa quantité dans les panneaux, notamment grâce au biais de l’interconnection (mélange d’alliages) avec comme objectif premier de réduire la dépendance à l’argent. Concernant le verre et l’aluminium, qui sont utilisés en très grandes quantités (milliers de tonnes), l’impératif est de pouvoir recycler et réutiliser ces matériaux, soit dans la filière photovoltaïque soit ailleurs. 

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