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[Interview] Les grands enjeux de la filière photovoltaïque : “Le futur du recyclage est le recyclage à haute valeur ajoutée” – Antoine Chalaux
Dans cette série d’interviews “Les grands enjeux de la filière photovoltaïque“, des acteurs majeurs de la filière sont mis à l’honneur. Ceux-ci participent à rendre le cycle de vie des panneaux solaires photovoltaïques le plus vertueux possible.
Directeur des opérations chez ROSI, Antoine Chalaux nous éclaire sur le recyclage des panneaux solaires photovoltaïques à haute valeur ajoutée ainsi que la revalorisation des matières.
Pouvez-vous présenter ROSI ?
Antoine Chalaux : ROSI est une société qui recycle et valorise les matières premières perdues dans l’industrie photovoltaïque, à la fois pendant la fabrication et à la fin de vie des panneaux solaires. Nous avons ouvert notre première usine ROSI Alpes il y a 1 an à Saint-Honoré.
Notre entreprise a une approche unique du recyclage des panneaux solaires grâce à une technologie que nous sommes les seuls à utiliser.
Depuis quand ROSI collabore avec l’éco-organisme Soren ? Quelles sont les modalités de cette collaboration ?
A.C. ROSI échange avec Soren¹ depuis 2018. Jeune startup en développement, nous avons créé des procédés pour recycler convenablement les panneaux solaires photovoltaïques, en lien avec le laboratoire SIMAP [n.d.l.r. : Science et ingénierie des matériaux et procédés]. Nous avons fait le choix de favoriser la qualité du recyclage. Pour cela, nous sommes notamment en partenariat avec Envie 2E Aquitaine, seule entreprise qui utilise le recyclage par délamination)².
Soren nous soutient car nous sommes une société capable d’apporter une grande valeur ajoutée à l’industrie photovoltaïque en France.
ROSI a développé un procédé permettant de séparer les matières premières encapsulées dans les panneaux, en quoi consiste ce procédé ? Quelle est sa valeur ajoutée ?
A.C. : Pour comprendre le procédé que nous avons créé, il faut d’abord comprendre la structure d’un panneau solaire. Celle-ci se compose de cellules photovoltaïques connectées entre elles pour produire l’électricité. Ces cellules sont protégées pour durer 20 à 30 ans. Pour ce faire, le panneau détient une plaque de verre à l’avant qui les protège et permet d’éviter les pertes d’énergie grâce à sa transparence. À l’arrière du panneau, se trouve le backsheet (ou feuille de fond solaire) qui protège des rayonnements ultraviolets, de l’humidité et des intempéries (sécheresse, vent, poussière…). Le tout est collé et encapsulé dans un cadre d’aluminium qui rend le panneau imperméable.
Cette structure, permettant la résistance du panneau solaire, complique le recyclage. C’est pourquoi nous avons développé une technologie qui permet de décapsuler ces différents éléments. La première étape du procédé est la pyrolyse de l’encapsulant pour transformer le plastique en gaz.
La seconde étape est la séparation des métaux présents dans les cellules photovoltaïques grâce à une chimie douce. À la fin, nous récupérons le silicium, d’une grande pureté, les fils d’argent, les rubans de cuivre qui connectent les cellules, le verre et les câbles. Malgré sa faible quantité, l’argent est un composant ayant une très haute valeur. ROSI est la première société qui permet la collecte de ces composants, représentant 4 fois plus de valeur que le recyclage par broyage³ .
Comment sont revalorisées les matières d’un panneau solaire recyclé grâce à votre technologie ?
A.C. : Chacun de ces matériaux récupérés peut être revalorisé à travers différentes applications.
Notre volonté est de réintégrer ces matériaux dans la filière du photovoltaïque. Cependant, aujourd’hui, le marché des panneaux photovoltaïques rencontre des difficultés. La particularité des composants ayant énormément de valeur est qu’ils peuvent se réintégrer dans de nombreuses autres industries. Nous avons pour volonté d’effectuer cette réintégration des composants uniquement au sein du marché européen.
Pourquoi est-il stratégique de développer une filière de revalorisation de ces matières premières en Europe ?
A.C. : Il y a plusieurs enjeux liés à la circularité. Le premier enjeu concerne l’accès aux ressources. Aujourd’hui, il est compliqué d’extraire les ressources et cela nécessite de l’énergie. Utiliser des matières recyclées permet de limiter l’extraction.
Le deuxième enjeu concerne les industries lourdes qui utilisent beaucoup de C02. Celles-ci doivent aujourd’hui limiter leurs émissions. Pour cela, un des leviers est l’utilisation de matières à plus faible impact, telles que des matières provenant de la filière du recyclage.
Enfin, le troisième enjeu est la revalorisation locale des matières. Ces métaux proviennent d’autres pays. Une fois arrivés en fin de vie, l’important est de les utiliser sur le territoire. Les acteurs locaux effectuent un recyclage et une valorisation pour sécuriser ces ressources localement. Le cuivre et le silicium sont des métaux critiques. De même, l’argent et l’aluminium sont très convoités. Ce sont des matières stratégiques pour l’économie, il est donc crucial de les recycler.
ROSI prévoit l’ouverture de deux sites en Allemagne et en Espagne. Quels sont les objectifs poursuivis par ces nouveaux sites ?
A.C. : Nous ouvrons un site en Allemagne et en Espagne pour le recyclage des panneaux photovoltaïques. Le recyclage des panneaux solaires par ROSI doit se faire à grand volume. Il faut extraire suffisamment de matières et donc de valeur pour qu’il soit rentable. Nous avons commencé notre activité en France pour développer et préciser notre technologie. Maintenant, nous nous étendons dans d’autres pays. L’Allemagne est le pays qui possède le plus d’installations photovoltaïques en Europe. Le volume de panneaux à traiter est alors conséquent. L’Espagne a également une quantité importante de panneaux solaires qui ont été installés sur une courte période et la tendance reprend.
Aujourd’hui, ROSI effectue un développement industriel à grande échelle en dupliquant et optimisant sa technologie pour gagner en compétitivité et en performance.
Selon vous, quels sont les grands enjeux de la filière photovoltaïque pour 2024 ?
A.C. : Le premier enjeu concerne le début de la chaîne. Il faut stopper l’hémorragie de la filière en sauvant les derniers fabricants de panneaux solaires en France. Il est important d’avoir des acteurs sur l’ensemble du cycle de vie d’un panneau⁴. A l’autre bout de la chaîne de valeur, il y a un volume de déchets qui augmente avec notamment le changement des panneaux ayant des problèmes de performance, de dégradation rapide ou simplement des installations arrivant en fin de vie. Il est essentiel de considérer la fin de vie de ces panneaux à remplacer. L’enjeu porte sur la communication auprès des détenteurs pour permettre une intégration de ces panneaux dans la filière de recyclage et garantir une revalorisation au maximum.
Quelle est votre volonté pour la filière photovoltaïque ?
A.C. : Chez ROSI, nous pensons que le futur du recyclage est le recyclage à haute valeur ajoutée et c’est uniquement en allant dans ce sens que nous permettrons à la filière d’avoir une vraie histoire. Une filière avec peu d’émissions de CO2, innovante et responsable, c’est l’image que nous souhaitons construire, cela est possible et nous le faisons !
¹Soren est l’éco-organisme chargé de la collecte et du traitement des panneaux solaires photovoltaïques.
²Méthode novatrice de recyclage qui consiste à séparer (dans la longueur) la plaque de verre des cellules photovoltaïques (multi-couches qui produisent l’électricité) grâce à une lame chauffée à 300°.
³Technique de fragmentation du panneau solaire pour séparer les composants hétérogènes grâce à différentes étapes.
⁴Contexte : il y a une très forte concurrence sur les prix des panneaux, ce qui conduit à la liquidation des acteurs français.