Une filière photovoltaïque en pleine mutation par Salomé Durand
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[Interview] Autoconsommation, industrialisation européenne, éco-conception… une filière photovoltaïque en pleine mutation par Salomé Durand

Dans cette série d’interviews “Les grands enjeux de la filière photovoltaïque“, des acteurs majeurs de la filière sont mis à l’honneur. Ceux-ci participent à rendre le cycle de vie des panneaux solaires photovoltaïques le plus vertueux possible.

Salomé Durand, Responsable de la commission solaire du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), nous éclaire sur les enjeux liés à la durabilité et à la circularité de la filière photovoltaïque.

Salomé Durand Syndicat des energies renouvelables

Pouvez-vous présenter le syndicat des énergies renouvelables (SER) et votre rôle au sein de celui-ci ?

Salomé Durand : Le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), fondé en 1993, est une fédération regroupant l’ensemble des filières des énergies renouvelables (électricité et chaleur) en France. Il représente plus de 540 entreprises et 160 000 emplois directs et indirects, couvrant 12 filières majeures des énergies renouvelables : des filières électriques aux filières relevant de la biomasse en passant par la chaleur renouvelable. Chaque filière est représentée par une commission. Nous avons une réelle force de frappe et une influence auprès des décideurs publics.

Je suis responsable de la commission solaire, qui compte plus de 1900 adhérents. Parce que la filière solaire est en plein essor, l’équipe a récemment été renforcée par une chargée de mission solaire.

Quelles sont les missions du SER ?

S. D. : La mission principale du SER est de promouvoir les énergies renouvelables en France via un travail de lobbying auprès des institutions publiques et une participation active à l’élaboration du cadre législatif et réglementaire, avec un objectif clair : augmenter la part des renouvelables dans le mix électrique français. 

Dans ces discussions, nous représentons l’ensemble des acteurs composant la chaîne de valeur, des développeurs aux assureurs en passant par les juristes. 

Enfin, nous accompagnons nos adhérents au quotidien notamment à travers le développement de labels de qualité.

Comment s’organise la commission solaire ?

S. D. : La commission solaire est structurée en plusieurs pôles thématiques : industrie, réglementation, économie et normalisation.

Tous les 2 à 3 mois, nous mobilisons ces différents pôles avec les responsables transverves : juridique, économique, territoire et biodiversité. Ces pôles incluent également des groupes de travail plus spécialisés et que nous réunissons en fonction de l’actualité. En ce moment, plusieurs sont actifs sur les thématiques liées à l’autoconsommation, aux enjeux agrivoltaïques ou encore à  l’évolution des arrêtés tarifaires.

Quels sont les enjeux spécifiques à votre pôle ?

S. D. : Plusieurs enjeux majeurs sont à l’ordre du jour pour le pôle solaire.

Ces derniers mois, nous avons particulièrement travaillé sur le cadre réglementaire de l’agrivoltaïsme, en amont de la publication du décret et de l’arrêté relatif au suivi et au contrôle des installations. Nous menons à présent des travaux sur l’objectivation des critères réglementaires en prévision d’une instruction qui devrait permettre de préciser certains points du décret et de l’arrêté. D’autres sujets font également l’objet de réflexions comme le partage de la valeur ou la contractualisation entre les parties prenantes.

Nous avons également travaillé sur la loi d’accélération¹ qui a notamment permis de renforcer les obligations de solarisation sur bâtiments et parcs de stationnement.

L’autoconsommation a aussi connu un vrai “boom” et fait donc également partie des enjeux primordiaux. Nous travaillons à la facilitation et à l’optimisation de cette pratique en identifiant les leviers à actionner pour accélérer ce développement.

Par ailleurs, le secteur photovoltaïque européen fait face à une concurrence accrue des marchés asiatiques, ce qui a entraîné une chute des prix des modules. Il y a une vraie volonté de reconstruire un tissu industriel photovoltaïque en Europe en lien direct avec la réglementation européenne “Net Zero Industry Act”². Nous soutenons donc la création d’un tissu industriel européen solide, notamment à travers les projets de gigafactories et souhaitons que l’intégration de panneaux européens puisse être soutenue dans les mécanismes de soutien via une bonification tarifaire. 

Surtout, il est crucial de veiller à maintenir un bon niveau de soutien économique, en particulier sur le segment des toitures, hangars et ombrières afin de garantir la pérennité de ces projets qui bénéficient directement au territoire et notamment au monde agricole. Les acteurs de la filière demeurent, de ce fait, très vigilants sur la nécessité de ne pas casser la dynamique de ce segment.

 

¹LOI n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, notamment par le déploiement et la facilitation d’installations photovoltaïques, en ombrières de parking, aux bords des routes… (Selon Légifrance)

²Le “Net-Zero Industry Act” (NZIA, pour législation industrie zéro émission nette) est un règlement européen adopté en mai 2024. Il vise à relocaliser une partie de la production de technologies énergétiques propres sur le continent européen. (Selon Consilium Europa)

Comment expliquez-vous le développement significatif de l’énergie solaire photovoltaïque en France ces dernières années ?

S. D. : Le photovoltaïque est une énergie qui s’est beaucoup développée ces dernières années. La baisse continue des prix, combinée à des politiques incitatives comme la loi d’accélération, a joué un rôle clé. Il s’agit, par ailleurs, d’une technologie mature, simple, sûre d’utilisation avec une durée de vie correcte, comprise entre 20 et 30 ans. 

Nous soutenons également des objectifs de développement ambitieux. Ceux-ci seront prochainement actualisés dans la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, en consultation publique actuellement. Le SER plaide pour le doublement de la puissance photovoltaïque installée annuelle, avec un objectif de production d’énergie photovoltaïque entre 54 à 60 GW en 2030, contre 35 à 44 GW pour 2028.

54 à 60 GW

de production d’énergie photovoltaïque d’ici 2030

En tant que Syndicat de la filière, quelles actions menez-vous pour rendre la filière solaire plus circulaire ?

S. D. : Le SER travaille en lien étroit avec l’éco-organisme Soren. Nous siégeons à son conseil d’administration. 

Nous participons aussi à un groupe de travail piloté par Soren et l’INES (Institut national de l’énergie Solaire) pour promouvoir l’éco-conception dans le secteur photovoltaïque. Nous travaillons sur la mise en place de nouveaux critères pour l’installation photovoltaïque. Cela répond à l’obligation pour les développeurs de créer un plan d’éco-conception. 

Un des dispositifs majeurs est également l’éco-modulation. C’est un système où les développeurs versent une contribution financière proportionnelle à la qualité environnementale de leurs installations. Ce système vise à récompenser les meilleurs et à instaurer des malus pour les plus mauvaises.

Aussi, une révision est en cours concernant les obligations liées au bilan carbone. Lorsque les développeurs souhaitent candidater, ils doivent se conformer à un certain niveau de bilan carbone. Une réflexion est en cours sur la méthodologie à suivre, dans l’optique de favoriser de meilleures performances environnementales. Une méthodologie dite du “mix pays” a récemment été introduite dans les nouveaux cahiers des charges des mécanismes de soutien. 

Comment jugez-vous les évolutions réglementaires relatives à l’impact environnemental de la filière ?

S. D. : Ces évolutions réglementaires sont très liées à la volonté de recréer un tissu industriel européen pour soutenir et redévelopper la filière. Le SER défend et soutient la valorisation de la production européenne. De nombreuses entreprises ont fermé leurs portes, nous prenons donc en considération ce qui est possible et faisable. Nous défendons une approche dynamique, progressive et pragmatique pour assurer le développement de la filière photovoltaïque. Nous sommes plutôt ambitieux avec le Net Zero Industry Act, et nous poussons des critères exigeants pour encourager les développeurs à soutenir l’industrie européenne.

Le SER s’occupe également des questions environnementales. En collaboration avec Enerplan, nous travaillons à l’élaboration d’un rapport intitulé « BIODIVoltaïque » visant à établir plusieurs propositions de protocoles partagées et validées par les acteurs directement concernés au sein de la filière pour l’état initial et le suivi environnemental des parcs photovoltaïques au sol et flottants.

Le réemploi et la réutilisation des panneaux photovoltaïques se développent. Comment voyez-vous ce mouvement et quels sont les principaux points de vigilance ?

S. D. : C’est une très bonne chose qu’il existe une filière de réemploi, puisque cela prouve que le photovoltaïque est une filière durable et viable. Étant donné le grand nombre de panneaux mis sur le marché, il est essentiel de pouvoir absorber ce flux. 

Il est également important de promouvoir cette démarche auprès du grand public, car elle permet de mieux comprendre les enjeux de durabilité du photovoltaïque.

Un autre enjeu crucial est la vigilance face aux filières non contrôlées. Une réglementation adéquate et des mécanismes de contrôle sont nécessaires pour éviter l’émergence de pratiques non conformes.

Selon vous, quels sont les grands enjeux de la filière photovoltaïque pour 2024 ?

S. D. : Trois grands enjeux se dessinent pour 2024 : 

la publication d’une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE³), afin de garantir un bon niveau de soutien économique pour le photovoltaïque.

– le soutien à la recréation d’un tissu industriel photovoltaïque solide dans les prochains mois, pour garantir l’exemplarité environnementale des projets.

– l’optimisation de l’autoconsommation, afin d’améliorer la gestion de la consommation et de rendre cette pratique accessible à tous les ménages.

 

³ Outils de pilotage de la politique énergétique, ont été créées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Selon le Ministères territoires, écologique, logement)

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